Tours, 84-86 rue du Commerce
Depuis 1357, la cité disposait d’une communauté d’habitants avec à sa tête des élus, un receveur, voire un procureur, chargés de la construction puis de l’entretien des fortifications. Jusqu’à la constitution du corps de ville par Louis XI (1462), les réunions de ce premier conseil de la ville ont lieu dans les hôtels particuliers des membres du corps de ville ou dans des maisons particulières louées à cet effet, voire au chapitre de la cathédrale. En 1429, le choix de la municipalité s’était porté sur une maison située Grand-Rue joignant par l’arrière à l’hôtel de la monnaie. Là encore, la ville n’est pas propriétaire des lieux par manque de moyens. Pierre Bérard, trésorier de France, dont l’hôtel particulier est voisin de cette propriété, la rachète en 1439 et continue de la louer à la ville pour les réunions du corps municipal. À sa mort en 1465, sa veuve propose à la cité de racheter la maison pour en faire le « tablier » officiel de la ville (l’hôtel de ville). L’acquisition a lieu deux ans plus tard. Dès 1467, une première campagne de travaux à lieu pour réaménager l’espace intérieur de l’hôtel de ville mais le manque de place se fait rapidement sentir. La municipalité procède donc à l’achat de l’hôtel de la « Truie qui file », également voisin, en 1472, puis, en 1478, à celui de l’hôtel particulier de Pierre Bérard. D’importants travaux intérieurs sont entrepris pour permettre d’accueillir l’ensemble du corps des élus.
Si la façade extérieure de l’édifice semble avoir été relativement simple, il en est autrement de l’intérieur qui se parait d’un décor fastueux principalement composé d’héraldique. L’entrée principale s’ouvrait sur deux pièces au rez-de-chaussée. Un escalier, donnant sur la Grand-Rue, desservait à l’étage deux autres pièces. L’une était dédiée aux assemblées et l’autre, plus petite, servait à la fois de bureau et d’archives.
Les documents d’archives nous donnent une idée du décor intérieur de l’hôtel. Sans précision quant à leurs emplacements exacts, un acte de 1470, nous apprend que la ville avait passé commande de 4 écussons aux armes du roi, de la reine et de la ville. Cinq ans plus tard, elle confie à Tassin Vinet, vitrier, la réalisation de vitres aux armes de la ville. En 1478, la cité fait appel à Alart Folarton pour peindre 5 écussons placés sur le portail d’entrée, un lion aux armes de la ville destiné à trôner aux pieds de l’escalier et 5 bannières également aux armes du roi, de la reine et dauphin pour agrémenter les pinacles de l’édifice [Giraudet, 1885, p. 163-164]. L’année suivante, la municipalité commande au même artiste une Annonciation pour décorer la cheminée de la grande salle [Giraudet, 1885, p. 164]. Tableau auquel devait s’ajouter un décor d’azur parsemé de fleur de lys. Elle lui confie également la peinture du plafond de la grande salle pour laquelle il représente 4 tirants soutenus par des anges portant des écussons et la réalisation d’une vaste fresque pour cette même salle. Elle figurait, au-dessus d’une terrasse à créneaux, 24 arbres fruitiers accompagnés d’oiseaux et d’écus aux armes de la ville. Dans les arbres, étaient insérés les écus des 17 maires qui s’étaient succédés jusque-là. Le tout était accompagné d’une frise aux couleurs des armes de la ville (sable, semé de tourelles et le chef azur semé de fleurs de lys). Trois écussons aux armes du roi, de la reine et de la ville avaient également été réalisés pour les pinacles de la salle. Ces mêmes écussons étaient présents dans le fond de la galerie de l’escalier. Pour finir, Folarton avait peint un angelot avec les armes de la reine pour le pinacle de la cour. Par la suite, chaque année, furent ajoutés les écussons des nouveaux maires.
À la fin du XVIIIe siècle, par manque de place, il est décidé de transférer l’hôtel de ville dans un nouvel édifice plus vaste construit au bord de la Loire (à l’emplacement de l’actuelle place Anatole France). Les boiseries et objets d’art de l’ancien bâtiment sont déplacées vers le nouvel hôtel en 1786-1787. L’édifice de la Grand-Rue est vendu la même année puis finalement détruit entre 1794 et 1798.
Bibliographie
Giraudet Eugène, Les artistes tourangeaux, architectes, armuriers, brodeurs, émailleurs, graveurs, orfèvres, peintres, sculpteurs, tapissiers de haute lisse, notes et documents inédits, Tours, Impr. de Rouillé-Ladevèze, 1885.
Porhel Jean-Luc, « Aménagement et décor du premier hôtel de ville de Tours, autour de 1500 », dans Arts et société à Tours au début de la Renaissance, Brepols, 2016, p. 29-39.